JEAN H. HUBER *
* Musée de l'Université et de la Ville de Nancy, Aquarium tropical, 18 rue Sainte Catherine, 54000 Nancy, France
l - DESCRIPTION MORPHOLOGIQUE SUCCINCTE ET CHRONOLOGIE DES SUBDIVISIONS
Myers (1924) a décrit Aphyosemion pour séparer principalement les formes africaines et américaines, rassemblées auparavant sous Fundulus.
Les représentants de Aphyosemion possèdent un corps assez allongé et une taille plutôt petite : maxima compris entre 3 et 17 cm, moyenne égale à 6 cm. Les premières subdivisions ont utilisé le critère morphologique le plus évident : le déplacement de la dorsale par rapport à l'anale (D/A). Puis d'autres caractères plus fins ont été étudiés : épines cténoïdes sur les écailles, dents monocuspides de forme variable, ligne latérale «vestigiale» complétée par un ensemble de 14 neuromastes frontaux et des pores sensoriels irrégulièrement répartis, écaillure frontale normale de type «G» avec, occasionnellement des séries «F» ou «H», rayons des nageoires possédant parfois des papilles sensorielles. Peu à peu, les subdivisions ont été proposées à partir d'observations biologiques et géographiques.
La liste chronologique des sous-genres est établie au tableau 1.
Sous-genre | Auteur, date |
Génotype |
Groupe, ou |
Aphyosemion |
Myers, 1924 |
castaneum (= christyi) |
elegans |
Fundulopanchax |
Myers, 1924 |
coeruleum |
sjoestedti, gulare |
Callopanchax |
Myers, 1933 |
«sjoestedti» = occidentale |
occidentale |
Roloffia * (= Callopanchax) |
Clausen, 1965 |
occidentale |
|
Chromaphyosemion |
Radda, 1971 |
bivittatum |
bivittatum |
Paraphyosemion ** |
Kottelat, 1976 |
gardneri |
gardneri, mirabile, ndianum, oeseri |
Raddaella |
Huber, 1977 |
batesii |
batesii |
Kathetys |
Huber, 1977 |
exiguum |
exiguum |
Diapteron |
Huber et Seegers, 1977 |
georgiae |
georgiae |
* d'après la décision de la Commission internationale de Nomenclature
zoologique (bull. Zool. Nomencl., 30 : 164-166, 1974).
** nouvelle définition in Huber (sous presse).
Tableau 1
LISTE CHRONOLOGIQUE DES SOUS-GENRES
2 - DESCRIPTION DES DEUX SOUS-GENRES
2 - 1 : INTRODUCTION
A la suite de mon expédition d'août 1976 au Gabon et en raison de la préparation d'une révision globale, j'ai été amené à étudier dans leur ensemble les groupes ou super-espèces représentés dans ce pays riche en Rivulinae : les superespèces batesii et exiguum sont apparues comme représentant des lignées phylétiques indépendantes et distinctes qui méritent le rang de sous-genre:
- Raddaella, dédié amicalement à Alfred C. Radda,
Univ.-Doz. Dr. de l'Université de Vienne, qui a contribué de
façon prépondérante à la connaissance du genre; génotype:
A. (R.) batesii (Boulenger, 1911).
- Kathetys, nommé en raison du patron original, fascié
verticalement (kathetos = vertical) ; génotype: A. (K.)
exiguum (Boulenger, 1911).
Ces deux superespèces habitent le Cameroun, le Rio Muni, le Gabon et le Congo: la majeure partie de leur aire de distribution est commune et pourtant, ils sont rarement sympatriques car leurs biologies sont tout à fait différentes.
2 - 2 : DESCRIPTION DE RADDAELLA NOV. SUBGEN.
a) Morphologie
Grands Poissons de 8 à 12 cm, les mâles étant plus grands que les femelles; allure massive. Les écailles possèdent souvent des épines cténoïdes chez les vieux mâles. Les nageoires se terminent par des filaments très courts à longs, selon les morphes. Seuls les derniers rayons de la dorsale et de l'anale et les rayons extrêmes de la caudale sont prolongés. Le nombre de rayons est égal à la dorsale et l'anale: D= A = 15-19, selon une progression géographique vers l'intérieur des hautes terres. Le rapport D/A a dérivé jusqu'à + 4. La .tête est massive; les neuromastes frontaux sont de type ouvert ; l'écaillure frontale est de type «G», stable, la série «F» étant parfois présente.
b) Patron de coloration
Le patron est très irrégulier; chez les mâles, il est constitué de pints rouges, ronds ou oblongs, formant parfois des chevrons dans la partie arrière du corps; le bouclier est bien marqué. Les taxa sont différenciés par le patron des nageoires impaires. Chez les femelles, quelques rares points rouges s'inscrivent sur un corps brun clair, les nageoires sont incolores.
c) Origine :
Ces Poissons habitent le Plateau intérieur (250-450 m d'altitude) ; vaste distribution du Cameroun méridional au Congo et probablement au Zaïre.
d) Biologie - Éthologie :
La biologie est unique dans le Plateau intérieur: ils habitent les marais stagnants, temporaires ou non, de la forêt primaire ou secondaire. Bien qu'ils pondent des œufs à développement retardé (diamètre 1,4 mm), ils ne voient pas toujours leur biotope périodiquement asséchés et leur cycle de vie n'est pas le même que les annuels côtiers. Dans la région marécageuse de Mékambo, kunzi reste encore très fréquent à la fin de la saison sèche. Lorsqu'ils sont sympatriques d'autres Aphyosemion, leur nombre est très réduit (moins de 1 %) : avec cameronense ou exiguum, au Cameroun, avec punctatum ou abacinum au Gabon. Le comportement des mâles, primitif, est agressif vis-à-vis des femelles : c'est pourquoi on ne trouve ensemble qu'un mâle en compagnie d'une à deux femelles.
e) Croisements - Caryotypes :
Aucun croisement n'a été effectué entre espèces voisines, étant donné la difficulté de reproduction des populations naturelles, mais il semble que l'on ait affaire à un grand nombre d'espèces cryptiques, puisque Brosset (comm. pers.) a observé de hautes barrières (éthologiques ?) entre les deux morphes de kunzi. Le caryotype est original: celui de batesii de Akonolinga a été seul étudié (Scheel, 1974a); il présente 17 chromosomes haploïdes, tous métacentriques, ce qui lui confère un caractère relativement évolué, mais généralisé.
f) Membres
Éléments disponibles: batesii, splendidum, kunzi, phénotype non décrit du Rio Muni; taxa non utilisables : beauforti, gustavi, schreineri.
g) Discussion :
Par sa structure D = A, son allure massive et son cycle annuel, Raddaella se distingue de tous les autres groupes ou superespèces, à l'exception de Fundulopanchax. Il s'en sépare notamment par le décalage léger du rapport D/A et la distribution géographique, ensuite par l'absence d'écailles «H», l'absence de prolongement de rayons intermédiaires, le patron de coloration, la biologie et le caryotype.
2- 3 DESCRIPTION DE KATHETYS NOV. SUBGEN.
a) Morphologie :
Poissons de taille moyenne, les mâles étant légèrement plus grands que les femelles, à l'allure plutôt élancée. Les nageoires se terminent par de longs filaments; le port de la dorsale et de l'anale est vertical comme chez le groupe bivittatum. Des papilles sensorielles ont été mises en évidence chez les vieux mâles (pectorales surtout), le nombre de rayons à la dorsale et l'anale diffère sensiblement, la dorsale étant courte: D = 9-11 ; A = 14-16 ; (chez bamilekorum, D= 13 : A = 17) et D/A> 7.
La tête est compressée latéralement, le prémaxillaire tendant à être excroissant comme chez Epiplatys. Les neuromastes frontaux sont de type ouvert. L'écaillure frontale de type «G» présente deux écailles «H» chez bamilekorum et certains individus de rubrifascium.
b) Patron de coloration :
A l'exception de bamilekorum, ces Poissons possèdent dans les deux sexes un patron original de barres verticales, y compris sur la caudale; seuls, abacinum (par convergence allopatrique ?) et walkeri présentent le même patron, encore qu'il soit moins régulier chez les mâles et absent chez les femelles. En raison de ces fasciatures et de l'apparition temporaire d'une bande longitudinale foncée chez les femelles effrayées, avant la ponte et après fixation, le nouveau sous-genre se rapproche de Epiplatys. Le bouclier est bien marqué et ressemble à celui du groupe bivittatum.
c) Origine :
Habitants du plateau intérieur au Cameroun et au Gabon septentrional jusqu'à une latitude divisant en deux la région du Woleu Ntem au Gabon.
d) Biologie :
Ces formes habitent les biotopes où Epiplatys est absent. Bualanum et rubrifascium, qui fréquentent la savane dérivée du Cameroun septentrional, sont remplacés par exiguum en forêt méridionale. La transition entre les deux se manifeste par l'apparition de phénotypes intermédiaires, à Djang par exemple. Bamilekorum est restreint aux montagnes nord-occidentales. Avec guineense, ce sont les représentants de Aphyosemion rencontrés à l'altitude la plus élevée, soit jusqu'à plus de 1200 mètres.
e) Croisements - Caryotypes :
Les croisements entrepris ont montré que cette superespèce était remarquablement isolée et qu'elle était constituée d'un grand nombre de formes cryptiques. Le caryotype est peu évolué et généralisé (Scheel ,1974 a et b) : toutes les mitoses étudiées présentent entre 17 et 20 chromosomes haploïde, deux à trois d'entre eux n'étant pas métacentriques.
f) Le cas de bamilekorum :
Bien qu'il n'en possède pas le patron caractéristique, bamilekorum semble bien appartenir à cette superespèce en raison du caryotype et de la morphologie de la tête. Il paraît être directement issu de la forme primitive, car il a en commun avec d'autres Aphyosemion primitifs le patron indistinct (réticulation), le repli vers des biotopes défavorables (montagneux), la présence d'écailles «H», la structure indifférenciée de la membrane de l'œuf.
g) Membres :
Éléments disponibles: exiguum, bualanum, rnbrifascium, kekemense, bamilekorum ; taxa non utilisables: elberti, jacobi, jaundense, loboanum, loloense, tessmanni.
h) Discussion :
Par sa structure [D-A] = 5 et D/A> 7, Kathetys ne peut être rapproché que de la superespèce elegans (Aphyosemion sensu stricto) ; il s'en distingue par la morphologie fine, la biogéographie, le patron et le caryotype. D'un point de vue biologique et phylétique, il se rapproche plus probablement de Epiplatys (choix de la consonnance finale du nom) et du sous-genre Chromaphyosemion.
Bibliographie :
Clausen (H.S.), 1963. - Description of 3 new species of Aphyosemion. Vid. Med. Dansk. Natur. For., 125 : 195-205.
Huber (J.H.), 1978. - Caractères taxinomiques et tentative de groupement des espèces du genre Aphyosemion. Sous presse.
Radda (A.C.), 1971. -Ann. Natur. Mus. Wien, 77 : 365-380.
Scheel (J.1.), 1974 a. - Rivuline Studies, Mus. Roy. Afr. Centr. Tervuren, Ser. IN-8, Sci. Zool., 211 : 150 pp.
Scheel (J.1.), 1974 b. - A review of the exiguum group, JAKA-KN, 7 (8) : 277-283.
First published and distributed in : Huber, J.H. 1977. Killi Revue (K.C.F.), 4 (4): Supplément.
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